mardi 19 juillet 2016

Actualité   de     LE CORBUSIER




 ISBN 978-2-9545239-1-0    format 25+17+2.5cm   354 pages    45 euros (prix valable en France)

Ouvrage disponible en rayons sur Paris à la FNAC/Forum et à la librairie Eyrolles
En Suisse : aux librairies Médidienne (Chaux-de-Fonds), Boulevard (Genève), Hochparterre (Zürich). 
Ouvrage pouvant être commandé  en France en toute librairie (base Dilicom) et sur Fnac.Com

Et pour l'International directement chez l'auteur (expédition pat "Livres et Brochuses"/ La Poste, offerte), ou via la librairie AMALIVRE (75015 Paris)




Au retour de La Chaux-de-Fonds : LE CORBUSIER & Froebel


Non contant de s'être un jour affublé d'un pseudonyme, Le Corbusier se voulant français au plus haut point, et profitant sans doute des multiples références à l'architecture, à l'urbanisme ou à l'arpentage, présentes dans le célèbre Discours de la Méthode, ne devait pas tarder à parer quelques uns de ses projets phares de l'esprit cartésien ; et cela nommément, en étiquette, dès un bien nommé "Gratte-ciel..."

Alors l'on serait prompt sous l'idéalisme propre à l'Histoire de l'art, à chercher à comprendre toute son oeuvre ainsi ; sous ces Principes, sous cette Méthode et sa limpide chaîne de raisons, en une évolution...
De fait ; tout comme le philosophe, notre architecte n'avait-il pas confié au bout d'une introspection l'ayant conduit à vouloir "recommencer à zéro", avoir été saisi du doute au terme d'études par ailleurs "les meilleures qui soient..."; elles aussi. Sinon d'avoir éprouvé la nécessité de s'évader "le nez au vent", pour se débarrasser de ce fardeau de mauvaises habitudes et se retrouver tel qu'en lui-même... ; fut-ce, à demeurer sa vie durant, seul, dans son processus de "recherche patiente".

Cependant, si plus que tout autre, l'idéologie artistique spontanée, semble coller à une telle représentation des choses (du Cogito, jusqu'à l'exacerbation kantienne d'une telle subjectivité), c'est à dire à se tourner sans paraître n'avoir besoin de rien d'autre, vers son for intérieur, pour n'avoir de cesse que la "projetation" (l'ergo sum, ergo existo justement...), elle a aussi en propre cette pratique artistique, d'instaurer une forme de doute bien spécifique. En l'occurrence, celui relatif à la hiérarchie des rapports de la pensée et du corps, et pouvant aller jusqu'à voir - comme en une revanche d'Héraclite - dans la "palpation une forme seconde de la vue", ou l'existence d'une pensée, dans le simple geste d'une main... Oui mais, faut-il encore espérer pouvoir un jour penser cela ? Car, si d'aucuns ont pu chercher à le faire, depuis des réflexions de Pascal notamment, à chaque fois on devait en rester bien loin du compte...


A vrai dire, il nous semble que seul l'auteur de "notre vrai moi, n'est pas tout entier en nous", à savoir Rousseau, demeure le plus apte à nous aider à formuler cette question, et par-là, à accéder en toute intelligence à l'oeuvre de son, néanmoins compatriote, Le Corbusier.


C'est encore, que si la Méthode cartésienne, à vouloir sans cesse démêler le vrai du faux, avait pu vouloir surtout se défaire du fardeau de "l'opinion" ayant pu corrompre les sains "principes" donnés à tout être dès sa naissance. Et ayant pu les corrompre, dès cette part de l'éducation ayant couvert enfance et adolescence, par des "livres" :
" J'ai été nourri aux lettres dès mon enfance, et parce qu'on me persuadait que, par leur moyen, on pouvait acquérir une connaissance claire et assurée de tout ce qui est utile à la vie, j'avais un extrême désir de les apprendre. Mais, sitôt que j'eux achevé tout ce cours d'études, au bout duquel on a coutume d'être reçu au rang des doctes, je changeai entièrement d'opinion." ..../
" Et ainsi je pensai que la science des livres, au moins celles dont les raisons ne sont que probables, et qui n'ont aucunes démonstrations, s'étant composées et grossies peu à peu des opinions de plusieurs diverses personnes, ne sont point si approchantes de la vérité que les simples raisonnements que peut faire naturellement un homme de bon sens touchant les choses qui se présentent. Et ainsi je pensai que, pour ce que nous avons tous été enfants avant que d'être hommes, et qu'il nous a fallu longtemps être gouvernés par nos appétits et nos précepteurs, qui étaient souvent contraires les uns aux autres, et qui, ni les uns ni les autres, ne nous conseillaient peut-être pas toujours le meilleur, il est presque impossible que nos jugements soient si purs, ni si solides qu'ils auraient été, si nous avions eu l'usage entier de notre raison dès le point de notre naissance, et que nous n'eussions jamais été conduits que par elle." ..../
" C'est pourquoi, sitôt que l'âge me permit de sortir de la sujétion de mes précepteurs, je quittai entièrement l'étude des lettres. Et me résolvant de ne chercher plus d'autre science, que celle qui se pourrait trouver en moi-même, ou bien dans le grand livre du monde, j'employai le reste de ma jeunesse à voyager,... à fréquenter des gens de diverses humeurs et conditions, à recueillir diverses expériences, à m'éprouver moi-même dans les rencontres que la fortune me proposait." [ première et seconde partie du Discours de la méthode, pour bien conduire sa raison et.... ]

Rousseau quant à lui, devait nous inviter tout au contraire, dans une ataraxie un peu singulière, à nous en retourner vers cette période,... Et justement, pour surmonter "l'obstacle" de la corruption et de l'erreur à venir... quitte à se détourner à jamais du progrès des sciences et des arts. Nous en retourner vers elle, et au besoin dans l'en-deçà même - pré-réflexif- à celle-ci...! Car, son extravagant "état de nature" semblant tout droit issu du monde des Idées cher à Platon, ce n'était rien d'autre que cela.

Oui Rousseau, lui qui avait été aussi porté aux lettres dès sa plus tendre enfance, ne trouvant plus que des livres en lieu et place de l'amour maternel, avait pu nous désigner dans ses Confessions, et en apparence sous la logique consacrée... du sensible à l'intelligible, l'existence d'un moment de sa vie rien moins qu'inutile, puisque étant au contraire, celui où... et sans pour autant qu'il ne s'en souvienne jamais... celui où, il aurait précisément appris à lire :
" Je sentis avant de penser... J'ignore ce que je fis jusqu'à 5 ou 6 ans ; je ne sais comment j'appris à lire ; je ne me souviens que de mes premières lectures et de leur effet sur moi ; c'est tout le temps d'où je date sans interruption la conscience de soi-même - Ma mère avait laissé des romans." [Les Confessions, L II, § 1 & 2]


Apprendre à lire, oui... mais où et comment ? C'est qu'il s'agit là en effet d'une chose inouïe, qui n'aura pourtant, jamais inquiété le moindre biographe à ce jour. Sachant que ce moment du "apprendre à lire", ayant pu commander éventuellement le plaisir de découvrir des romans, et forger une "conscience", aurait été situé avant l'âge de "5 ou 6 ans" nécessairement ! Et la précision est fondamentale à plus d'un titre. Puisque nous était désigné là, dans le fait qu'il ne s'en souvenait plus de ce moment premier, quelque chose d'autre que l'école primaire élémentaire telle qu'elle existait alors à Genève - et qu'à vivre sous le mythe de Jules Ferry, on aurait bien du mal à soupçonner en ces temps - 
Bref, un moment frappé comme il se doit, pour tout un chacun, par l'amnésie infantile... et que celle, sociale, devait venir immédiatement redoubler, dans une longue nuit...

Si bien qu'à rebours, répétons-le, de cet esprit cartésien si évident dans sa chaîne de raisons, simple facile et une fois libéré, si progressive... on puisse se demander pour transposer, s'il ne serait pas utile de savoir, s'agissant de Le Corbusier, et en dehors des périodes consacrées par la Critique... comment ce dernier, aurait bien pu apprendre à dessiner ou peindre, puisqu'il nous disait l'avoir fait presque depuis toujours...
Or, de façon fondamentale, nous savons maintenant et avec assurance, depuis notre intervention lors de colloques du Centenaire, venue déchirer le voile qui recouvrait depuis un siècle la biographie officialisée de l'architecte, que ce dernier avait suivi dès l'âge de 3 ans et demi, l'enseignement Froebel, dans une petite école de sa ville natale. Même si, de toute sa conscience, il ne devait justement, jamais y faire la moindre référence, ni paraître s'en souvenir quelque peu.
Resterait alors à comprendre en quoi, ce monde étrange et oublié, qu'on aurait pu croire futile ou insignifiant parce que "pratique", oui celui d'une toute autre "méthode" que celle intellectualiste qu'on aurait pu l'espace d'un instant imaginer, devait constituer d'entrée et à jamais, c'est à dire sous son infinie répétition en actes, le fondement de l'oeuvre architecturale qui allait sans cesse se dérouler vers un terme inatteignable, pour se voir aujourd'hui, enfin consacrée.

C'est là, tout l'objet de ce livre.

Qui, en 3 textes couvrant l'Urbanisme, la Peinture et l'Architecture de Le Corbusier, soit depuis nos toutes premières exhumations d'archives évoquées à l'instant et ici reprises, à une dernière réflexion (elle inédite : Au retour de La Chaux-de-Fonds, de Marseille à Chandigarh) menée lors du cinquantenaire de sa mort, et prenant prétexte du lien quasi mimétique entre la Boîte Froebel et le Cabanon de Cap Martin ou la très répétée mais jamais réalisée, Boîte à Miracles,...  vise à mettre à jour, le lien complexe liant tout autant que ces derniers projets minimalistes, la somme de tous ceux, souvent grandioses, dits : Puristes, Brutalistes, plastiques ou organiques... Soit, ce rapport de constitution allant de la Chapelle de Ronchamp au Couvent de La Tourette, du Palais des Soviets à Chandigarh, de la Cité Radieuse marseillaise aux diverses Villas, et Pavillons, Gratte-ciel ou Cités linéaires... 
Et donc, toujours au regard, de cette fameuse, mais énigmatique et parfois rebutante, méthode de Froebel.



                                                                                                                  MS / Juillet 2016